DSP2 : la directive par laquelle les banques et l’Europe vous obligent à avoir un smartphone
Le 13 janvier 2018, la « directive révisée sur les services de paiement (DSP2) » est entrée en vigueur. Vous n’en n’avez peut-être pas entendu parlé, par contre vous vous en êtes forcément aperçu, puisque pour vos opérations bancaires en ligne, il vous faut dorénavant un smartphone pour valider ces dernières. Merci les banques et surtout merci l’Europe !

Sommaire :
La directive DSP2 c’est quoi ?
La directive (UE) 2015/2366 relative aux services de paiement dite DSP2, actualise le cadre réglementaire des paiements en Europe. Cette directive transposée en droit français, comprend plusieurs volets et instaure de nouvelles règles dont le renforcement des droits de consommateurs, avec par exemple l’abaissement de la franchise restant à la charge du client en cas de paiement frauduleux par carte avant opposition de 150 à 50 euros, des délais plus courts de remboursement et l’introduction d’un droit au remboursement inconditionnel pour les prélèvements en euros. Une autre règle est l’obligation du passage à l’authentification forte.

L’authentification forte
Il s’agit d’un dispositif destiné à renforcer la sécurité des paiements en ligne et l’accès à un compte par Internet. Il consiste à vérifier que vous êtes bien à l’origine d’une opération (paiement, virement bancaire, etc…) sur votre compte bancaire par Internet ou de la connexion à votre « espace client ». Cette authentification se fait à l’aide d’au moins 2 des 3 éléments suivants :
- une information que vous êtes seul(e) à connaître : mot de passe, code secret, question secrète, …
- l’utilisation d’un appareil qui n’appartient qu’à vous : téléphone portable, carte à puce, montre connectée, …
- une caractéristique personnelle : reconnaissance faciale, vocale, empreinte digitale, …
L’obligation d’avoir un smartphone
Avant cette directive, certaines banques vous envoyaient un code par SMS pour valider une transaction comme un achat en ligne. Mais… Pour répondre à ce renforcement de la sécurité, il vous faut maintenant acheter un smartphone ! Si jusqu’à alors vous aviez fait le choix de ne pas en avoir, ou si vous n’en n’aviez pas l’utilité, vous à présent êtes contraint et forcé. Vous aviez fait le choix de garder votre ancien mobile qui fonctionne très bien et dont la batterie dure plus de 24 heures ? Fini : l’UE vous pousse à présent à faire une nouvelle acquisition, histoire de bien avoir les deux pieds dans la société de consommation.
Selon l’ACERP, 77% des français avait un smartphone en 2019 [1] ça donne une idée du nombre de personnes qui se voient contraintes et forcées de passer par la case smartphone…
Les consommateurs de l’UE vont faire des économies. Euh vraiment ?
Valdis Dombrovskis, vice-Président de la Commission Européenne responsable de l’Euro et du Dialogue Social, Responsable de la Stabilité Financière, des Services Financiers et de l’Union des Marchés des Capitaux (oui ça fait long), a déclaré en janvier 2018 au sujet de la DSP2 :
«Cet acte législatif constitue une nouvelle étape dans la création d’un marché unique numérique dans l’UE. Il encouragera le développement de systèmes de paiement en ligne et mobiles innovants, ce qui stimulera l’économie et la croissance. Avec l’entrée en application de la DSP2, la surfacturation appliquée aux cartes de débit et de crédit des consommateurs devient interdite. Les consommateurs de l’UE pourraient ainsi économiser plus de 550 millions d’euros par an. Ils bénéficieront aussi d’une protection accrue lorsqu’ils effectuent des paiements.» [2]
On ne doit pas avoir la même notion du mot « économiser »…
Déjà il vous faut acheter un smartphone dont le prix moyen de vente entre 2017 et 2018 s’élevait à environ 384 $ selon cette source, ou 326 € en France en 2018 selon la revue QueChoisir. Vous me direz, « 326 € ? Hors de question que je mettre ce prix là dans un smartphone !« . Je partage totalement votre avis, sauf que c’est toujours pareil, si vous ne mettez pas un certain montant dans un investissement, vous pouvez racheter le produit quelques mois/années plus tard car il y a de fortes chances qu’il ne tienne pas la route.
Et puis comme tout appareil, un smartphone ça d’entretien. Il faut acheter une coque de protection que le construction ne fournit bien évidemment pas avec, changer de chargeur ou de kit main libre lorsque celui-ci devient défaillant ou ne fonctionne plus. Souvent c’est la batterie qui fait rapidement défaut. Et que fait le consommateur lambda quand sa batterie est HS ? Il change de téléphone, ça coute moins cher que d’acheter une nouvelle batterie, surtout si pour 51% des modèles de smartphone sur le marché, celle-ci n’est pas amovible [3] donc changeable…
En 2016, en France, la durée de vie d’un smartphone était en moyenne de 22 mois [4]. Entre notre goût effréné pour les nouvelles technologies, les offres des opérateurs pour changer de portable, l’obsolescence matériel et logiciel, voilà qu’il vous faudra changer de smartphone souvent. Vous avez dit économies ?
Économies pour les banques surtout
C’est la Fédération Bancaire Française qui le dit : « Vis-à-vis du client, le teneur de compte (donc la banque ou l’établissement de paiement où le client a son compte) a l’obligation, en cas de fraude opérée à partir d’une initiation de paiement, de rembourser le client. Ce régime inédit de responsabilité fait peser sur le teneur de compte le coût de la fraude, quelle qu’en soit l’origine, charge à lui de se retourner vers l’initiateur de paiement soumis à une obligation d’assurance. » [5]
Et oui ! Du coup avec cette directive européenne, le coût de la fraude c’est à vous de le supporter dorénavant en achetant un smartphone. Toutes les économies sont bonnes pour les banques surtout quand elles se font sur votre dos. Quand on voit les résultats nets de ces dernières on se dit qu’il y a de l’enfumage quelque part [6].
Et puis vous n’avez pas le choix de passer à l’authentification forte car sinon « vous ne pourrez plus accéder à vos services de banque à distance » comme le rappelle la Société Générale. A se demander si notre argent nous appartient vraiment…

Fracture numérique et sociale
Le taux d’équipement en smartphone en France en 2019, serait de 98% pour les adultes ayant entre 18 et 24 ans, contre 44 % pour les personnes ayant plus de 70 ans [7]. Il est évident qu’il y a en France (et en Europe), une génération qui n’a pas grandi à l’ère numérique. S’équiper d’un smartphone et surtout savoir s’en servir, n’est pas une mince affaire pour ce public.
Selon un sondage publié par l’Institut CSA en juin 2018, 23% des français ne seraient « pas à l’aise avec le numérique » [8]. Personnes âgées, précarisées ou n’ayant pas d’intérêt pour l’informatique, personne en situation de handicap ou ayant une déficience… Les conséquences peuvent être sérieuses et causer une perte d’autonomie, un isolement ou exposer les personnes à des risques en terme de cybersécurité. L’illectronisme comme il est également appelé est bien souvent un sentiment d’échec.
Et sinon quelqu’un a évoqué les zones blanches, sans réception mobile ou insuffisante ??
Un peu plus d’argent (et de données) pour les GAFAM
Je ne vous présente plus que ce sont les GAFAM, vous connaissez sans doute déjà… Donc avec la DSP2, l’Europe et les banques nous poussent à alimenter le portefeuille déjà bien garnis de ces sociétés, connues pour être des pilleuses de données personnelles [9].
Pour télécharger l’application de votre banque sur votre smartphone que vous faut-il ? Un magasin d’application appelé « Store ». Vous connaissez le Play Store de Google par exemple, ou encore l’App Store d’Apple. Pour y télécharger une application, il vous faut ensuite un compte sur l’un ou l’autre de ces stores, selon le système d’exploitation de votre smartphone. Une fois connecté à ces stores gratuits et bien en échange vous leur donnez un nombre incalculable d’informations sur vous.
De plus, toutes les applications des banques regorgent de trackers (pisteurs) qui observent vos comportements sur votre smartphone. Vous êtes vous déjà demandé combien de pisteurs l’application de votre banque a ? Voici quelques exemples dans l’image ci-dessous. Pour tester vous-même, je vous invite à lire l’article Exodus Privacy : quels pisteurs dans mon smartphone Android ?

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Ajoutons au passage que toujours selon l’ACERP, près de 75% des utilisateurs jugent important de pouvoir transférer leur données et applications lors d’un changement de smartphone [10]. Cela demande des connaissances avancées en terme de connaissance et de maitrise de l’outil informatique qui ne sont pas données à tout le monde. Quand au passage d’un système Android à Apple par exemple, ce transfert des données et quasiment impossible car chaque constructeur à son système d’exploitation qui lui est propre.
Impact environnemental et humain
Je ne vais pas redévelopper l’impact environnemental (et humain) des smartphones. Il y a de nombreux documents déjà existant à ce sujet. Vous trouverez de nombreux ouvrages et vidéos sur le travail des enfants dans les mines et usines, l’exploitation des minerais rares, les énormes pollutions engendrées, les conflits, etc…
Questions simples
Donc la DS2P sous couvert d’améliorer notre sécurité (comme dans d’autres domaines) favorise :
- la fracture numérique et sociale
- le renforcement de la position dominante des GAFAM
- la collecte de données personnelles
- l’enrichissement de certaines sociétés
- la dégradation de l’environnement
Étrangement il n’y a pas de réponses aux questions que nous sommes en droit de nous poser ?
- est-ce l’Union Européenne ou les banques qui vont financer l’acquisition d’un smartphone aux français qui n’en ont pas encore un ?
- est-ce l’Union Européenne ou les banques qui vont financer la formation à l’usage d’un smartphone pour les oubliés du numérique ?
- est-ce l’Union Européenne ou les banques qui vont financer le recyclage du matériel électronique ?
- est-ce l’Union Européenne ou les banques qui vont mettre en place des applications open source et sans pisteurs ?
- est-ce l’Union Européenne ou les banques qui vont financer l’installation d’antenne mobile dans les zones blanches et les études sur l’impact des ondes électromagnétiques sur la santé et l’environnement ?
Références et sources
- Les pratiques numériques des Français en 2019
- Services de paiement: les consommateurs vont profiter de paiements électroniques moins chers, plus sûrs et plus innovants
- Vous et votre smartphone (infographie)
- Quelle est la durée de vie d’un smartphone ?
- La DSP2 et les enjeux de la sécurité
- Banques : résultats nets (bénéfices) des banques, évolution 2020 vs 2019
- Taux d’équipement en smartphone en France en 2019, selon la tranche d’âge
- Enquête sur « l’illectronisme » en France
- Données personnelles par La Quadrature du Net
- Le smartphone contraint la liberté de choix des utilisateurs
Super blog ! (recommandé par Silvano Trotta); Pour information, je vois très bien la pression monter, les incitations,, etc. mais je n’ai toujours pas de smartphone (je ne compte pas m’y mettre) et je continue à faire mes opérations bancaires par internet.
Je suis en zone blanche et à la banque postale dans quelques jours je ne pourrai plus accéder ni consulter mes compte !
Vive la dictature numérique générée par les crânes d’oeuf Européens !
Encore une « magouiIle » des banquiers et des politiques de notre pays qui ne disent rien, afin de restreindre nos libertés. Le LOOBYING BANCAIRE EUROPEEN EST PLUS PEREFORMANT QUE LES AUTRES ; Je n’ai pas de smartphone et je n’en veux pas; Qu’ils m’en paye un avec l’abonnement !!!!!
Je refuse totalement. plus rien n’échappera à l’état même si nous n’avons plus grand chose en réserve.
Merci pour cet article, qui va m’aider pour de futurs courriers de contestation. Voilà celui que je viens d’envoyer à ma conseillère de la Banque Populaire : « Lors de mes derniers achats en ligne effectués avec une e-Carte Bleue, j’ai eu la surprise de voir apparaître ce message : (capture d’écran faisant apparaître la prochaine fin des SMS des codes d’authentification et l’obligation d’installer Secur’Pass)
Après quelques rapides recherches, il s’avère que ce changement concernera à terme la totalité des banques et que ce consensus, probablement validé voire encouragé par les plus hautes instances, instaure probablement sous couvert de sécurité une condition d’obligation d’usage de plus, à savoir détenir un smartphone, quand bien même aucun décret n’a jamais été promulgué ni aucune loi dûment préalablement débattue à l’Assemblée avant d’être votée pour l’imposer légalement. Qui plus est, je suis tombé sur des témoignages d’usagers signalant que leur smartphone a été jugé obsolète par l’application Sécur’Pass qu’ils cherchaient à installer comme demandé, ou plutôt comme exigé.
Pour rappel, il faut 70 kg de minéraux pour fabriquer un seul smartphone (Source: ADèME), l’extraction et le raffinage, surtout pour les terres rares, étant extrêmement gourmands en énergie et en eau, souvent potable. Et leur obsolescence est donc bel est bien programmée, ne serait-ce que rétroactivement par l’impossibilité d’y installer des programmes présentés comme nécessaires si ce n’est dans leur conception et fabrication matérielle. Actuellement, le remplacement d’un smartphone intervient en moyenne tous les dix-huit mois (contre quarante ans pour nos anciens téléphones à cadran !) Leur usage, qui se répand de manière exponentielle, légitimise également l’implantation et l’extension du réseau 5G, malgré toutes les études en pointant la nocivité, non l’une des moindres étant la pollution engendrée pour la fabrication des équipements et des antennes (qui participent à la bétonisation des sols, soit une surface de un département et demi tous les dix ans), la production d’énergie pour les faire fonctionner ainsi que les parcs de serveurs stockant les données, etc., toutes ces activités participant activement au réchauffement climatique. Pour ce qui est de l’impact sanitaire d’avoir bientôt à baigner en permanence dans les micro-ondes, le principe de précaution n’est pas plus d’actualité qu’en leur temps les déchets nucléaires, toujours sans solution au bout de soixante-dix ans d’exploitation. De plus, d’après les enquêtes de l’UNICEF, 40000 enfants travaillent dans les mines du Congo, où les guerres pour le contrôle des ressources naturelles auraient déjà fait de cinq à six millions de victimes, soit autant que dans les camps de concentration nazis. Des dizaines de ces enfants meurent chaque année en extrayant ces minerais indispensables, et probablement des centaines des conséquences de leurs conditions de vie épouvantables, pour que nos propres enfants (gâtés) occidentaux s’amusent à chasser le Pokémon avec leur smartphone. Enfin, les smartphones permettent la géolocalisation permanente au mètre près, ce qui en fait un outil formidable — que les gens financent eux-mêmes — pour une surveillance généralisée dont George Orwell aurait rêvé, ou plutôt cauchemardé, suspectant une incitation des plus hautes sphères à faire en sorte que chaque personne en ait un, ce qui s’inscrirait parfaitement dans le cadre de la loi sur la sécurité globale ; et encore, nous sommes en démocratie, ce que pourraient confirmer les Ouigours… si on pouvait aller leur poser la question.
Vous aurez déjà compris que mes convictions, qui se sont construites sur l’acquisition de connaissances scientifiques à travers des dizaines d’ouvrages tels que «Quel futur pour les métaux?» des ingénieurs centraliens Bihouix et Guillebon, la traduction bénévole de vidéos de sensibilisation de Scientists Warning, groupe de scientifiques alertant sur le changement climatique depuis la toute première COP, la traduction du livre de l’Amérindien Jack D Forbes, «Christophe Colomb et autres cannibales» (éditions Le Passager Clandestin) qui traite de l’exploitation sous toutes ses formes, ainsi que sur mon expérience de plusieurs années dans l’humanitaire à l’étranger, m’interdisent de cautionner ce qui précède, surtout après avoir alerté édouard Philippe, qui avait eu la courtoisie de me faire répondre par son conseiller à l’écologie lorsqu’il était Premier ministre, sur les risques inhérents à notre modèle de société dont le coronavirus n’est qu’un des avatars. Ce risque de zoonose pandémique, je le connaissais depuis trente ans, depuis un article publié par l’OMS dont personne n’a tenu compte.
Pour conclure, n’ayant nullement l’intention, surtout avec des moyens limités (AAH), comme le sont d’ailleurs ceux de millions de nos concitoyens, dont le nombre va encore s’accroître, d’investir dans un smartphone obligatoirement récent valant des centaines d’euros pour lequel je n’aurai pas d’autre utilité que d’installer Sécur’Pass sur injonction bancaire (en dehors bien sûr de téléphoner, ce qui est d’ailleurs la vocation première de tout téléphone), je vais vous demander de bien vouloir me proposer une alternative dans la mesure ou j’avais souscrit pour un service dont vous changez unilatéralement les modalités d’utilisation sans concertation préalable. à défaut, je vous demanderai un rendez-vous pour supprimer un certain nombre services qui cesseront pour moi d’avoir leur utilité, ayant déjà prévu de m’arranger avec des ami(e)s, en quelque sorte en mutualisant leur téléphone pour des achats en ligne incontournables que je réduirai en conséquence à leur minimum. Car si retrouver ce merveilleux «monde d’avant», qui nous a apporté le Covid, signifie continuer de joyeusement tout saloper, ça ne m’intéresse évidemment pas et j’accentuerai encore ma sobriété volontaire, au moins pour éviter l’incohérence, voire la schizophrénie. »
Je suis outré par l’irrespect de services de ma banque. Je ne possède pas de téléphone mobile par choix. Merci pour cet article que je vais apprendre par coeur.
C’est écoeurant !
Bonjour, y a-t-il un moyen de se retourner contre la banque qui ne nous permet pas d’accéder à notre compte en ligne si on n’a pas de numéro de portable ?